

Linceul pour une mort vivante​
Chanvre ancien et contemporain, cheveux humains, Point de Beauvais, broderie de Lunéville - 2024
Inspirée de pratiques ancestrales de sépulture, notre œuvre représente une cellule neuronale, illustrée par Santiago Ramon y Cajal, mêlée aux racines d’un chêne, illustré par Erwin Lichtenegger. Elle est brodée avec des cheveux humains qui ondulent le long d’un linceul en tissus de chanvre assemblés. L’œuvre mesure 2m40x2m. Bien qu'étant une broderie, nous la considérons comme sculpture car l’endroit (p.01) et l’envers (p.07) apportent des éléments esthétiques et symboliques différents au linceul.
L'inhumation à faible profondeur dans un linceul est la manière la plus écologique de retourner à la terre, et pourtant elle n'est pas autorisée en France aujourd'hui. Cette œuvre est une protestation pacifique et poétique, l’incarnation textile de notre plaidoyer pour avoir le droit de passer de nos formes humaines à des formes végétales, de nourrir la terre qui nous a nourris. Nous désirons nous voir accorder le droit et les moyens de ne faire qu'un avec des terres sanctuarisées, comme les forêts cimetières, au moment de notre mort. Puisque ce mode de sépulture nous est impossible aujourd'hui, nous entrelaçons nos propres fibres avec celles d’une plante, le chanvre, afin de créer un “assemblage” plante-animal.
Cette entité quercus-capillo-cannabique créée un rhizome qui dit notre désir de retour au végétal à notre mort. De nombreuses civilisations ont considéré les arbres comme des êtres psychopompes, des compagnons de voyage des morts, au rôle sacré. En s'ancrant profondément dans le sol, ils étirent leurs branches vers le ciel, jetant ainsi un pont entre le monde souterrain et les cieux. Cette pièce symbolise l’intime parenté qui se forme avec ces créatures lentes et paisibles lors d'un enterrement naturel.
Ici, le neurone hybridé symbolise la grande capacité de pensée et d'action de l'humanité, et la portée profonde de ce potentiel lorsque nos esprits s'appliquent à changer de pratiques. La structure en forme de toile ressemble à une ville, au mycélium, au world wide web... Ce qui reflète le moyen par lequel nous avons obtenu les cheveux pour la créer : Juliette et moi avons envoyé des demandes sur nos réseaux sociaux pour obtenir des cheveux de personnes qui adhèrent à notre envie de cimetières forêts. En réponse, nous avons reçu des cheveux d'amis, de membres de nos familles ainsi que de parfaits inconnus. Cette généalogie idéologique se reflète dans la composition génétique des cheveux qui constituent l'œuvre.
